COREENNES_KORTRIG STACK009

Texte :

C'était donc la guerre. Elle fut courte. Le fort de Kang-Hoa résista à toutes les attaques. Zuber
note avec une pointe d'étonnement que les troupes coréennes "se comportèrent bien et firent preuve
d'habileté militaire et d'une certaine bravoure". Il est probable que, pour lui comme pour beaucoup
d'autres, la "douceur d'âme" coréenne était incompatible avec les vertus guerrières. On retrouverait
ce thème. Au moment de la guerre russo-japonaise, les Lectures pour Tous, dont on connaît l'esprit
spartiate, reprocheraient sévèrement aux Coréens de ne pas garder les yeux fixés sur la ligne bleue
du Yalu, et -plutôt que dans une situation géographique intenable, un héritage de guerres et
d'invasions, et la gangrène des mœurs impériales chinoises- trouveraient la clef des malheurs de
la Corée dans je ne sais quelle disposition "apathique" du caractère coréen.

Ces Coréens apathiques, ils étaient les descendants des montagnards qui avaient dessoudé 300.000
Chinois en une seule bataille, des marins et des soldats qui par deux fois avaient forcé les Japonais
à repasser la mer. Décadence ? Mais en 1871, au même fort de Kang-Hoa attaqué en force par les
U.S.Marines (déjà), les défenseurs se feraient tuer jusqu'au dernier -et au siècle suivant, les Coréens
des deux camps laisseraient plus d'un million de morts (militaires) au cours de la guerre qui, de
l'histoire, "a réuni au kilomètre carré le plus de combattants, le plus de bombes, et a fait le plus
de désastres" (Rapport du Pentagone). Lorsque la douceur d'âme survit à de telles choses, elle
deviendrait plutôt une vertu.

Au surplus, la nature humaine est trop soucieuse d'un certain équilibre, pour qu'un caractère
dominant au point de devenir symbolique n'appelle par contrecoup son démenti. L'extrême
sensibilité coréenne (il faut avoir vu toute une salle de théâtre éclater en sanglots dès qu'il se passe
quelque chose de déchirant) peut se muer, lorsqu'elle est atteinte assez profondément, en extrême violence,
et même en extrême cruauté. On l'a vu pendant l'occupation japonaise, on l'a vu
-horriblement- pendant la guerre civile. Ce qui d'ailleurs ne ferait que ramener les Coréens à
une norme que nous avons appris à mesurer, et dont nous lisons tous les jours l'indice. D'autres
traits sont plus exceptionnels. Ces Coréens capables de bravoure, le sont aussi de courage : chez