combien de peuples trouve-t-on un épisode comparable au "soulèvement non-violent" de 1919
-où, totalement dominés par les Japonais, sans possibilité de révolte armée, les dirigeants de la
Résistance coréenne convièrent à dîner les chefs des occupants (dédaigneux, les Japonais
n'envoyèrent qu'un fonctionnaire) pour leur donner lecture de leur Déclaration d'Indépendance ?
S'étant ainsi proclamés libres par leur seule volonté, ils subirent les conséquences de leur geste
avec la même dignité lucide. Le vieillard Yi Yong-chik, à qui l'on voulait faire dire l'emplacement
du Quartier Général coréen, répondit "Le QG coréen est au Ciel". Réponse à la Jeanne d'Arc.
La fin de la relation de Zuber est un peu floue. Selon la version coréenne des événements,
devant la résistance du fort les Français se seraient repliés et, poursuivis, auraient réembarqué
en hâte. Selon le Tour du Monde, après les quelques engagements qui valurent aux Coréens leur
brevet de bonne conduite, la petite guerre se transforma en partie de chasse pour occuper les
loisirs du militaire. Et le 22 novembre, sans autre explication, l'escadre quittait la Corée.
"Le résultat qu'on avait espéré de l'expédition n'avait point été obtenu", note Zuber. Effectivement,
les Coréens conclurent au k.o. technique, manifestèrent une méfiance accrue à l'égard des étrangers,
refusèrent plus fermement que jamais toute tentative de commercer et, en ce qui concerne le point
de départ de l'affaire, lancèrent une vague de persécutions contre les chrétiens, accusés de collusion
avec les agresseurs étrangers.
"On le voit" conclut mélancoliquement l'officier, "nous n'avions pas eu le bonheur de nous
faire aimer pendant notre séjour."