Nous sommes allés cet après-midi-là au temple des chats à
Go To Ku Ji. Derrière le temple, il y a un cimetière humain. Les
tombes de chats sont identiques aux tombes d'hommes, elles ont
des tailles de chats, c'est tout. Chats et humains sont séparés par
un petit muret, j'imagine les ombres de chats assez agiles pour
l'enjamber, assez malicieuses pour aller piquer des offrandes chez
les hommes et les ramener en ronronnant. K. n'a pas prié : sa mère
lui avait bien recommandé de ne pas le faire. Quand on prie dans
un cimetière étranger, on risque de ramener, attachées à soi, des
âmes étrangères. J'ai quitté Tokyo quelque temps après. Le jour
du départ, nous sommes allés rendre hommage aux quarante-
sept ronins, ces samourais fidèles qui vengèrent leur maître et se
suicidèrent ensuite pour que le désordre soit réparé, comme la
Bake-neko. Beaucoup de gens viennent prier sur leurs tombes.
J'y ai fait ma dernière photo. Comme je pensais à la longueur du
trajet jusqu'à Narita, j'ai regardé ma montre. Nous étions trois, les
deux filles et moi. Les ronins étaient quarante-sept. Ma montre
disait "3:47". Je la leur ai tendue, il n'a pas été nécessaire de dire
quelque chose. C'était un moment d'harmonie.