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Texte :

M.Carteron était un des derniers exemplaires
connus du Français d’avant la guerre de 14 tel
qu’on le décrit dans les livres, avec son port
altier, sa moustache conquérante, ses manières
affables et cette évidence que chez lui le coup
de fourchette et le coup de fusil étaient deux
façons naturelles d’être bien élevé. L’amusant,
c’est qu’oncle Anton, l’Européen cosmopolite,
avait conquis l’Ambassadeur, ainsi d’ailleurs
que l’Ambassadrice, une personne vive et drôle
dont les origines, si je me souviens bien,
étaient un peu mélangées. L’Ambassadeur
m’impressionnait beaucoup lorsqu’il déclarait
d’une voix de stentor à Tante Edith qui lui
demandait comment il se portait : «  Bien, bien,
ma chère amie, puisque je vous vois ! » Ces
façons d’un autre siècle tranchaient sur les
piropos laborieux de mes copains cubains.
C’est beaucoup plus tard que j’ai remarqué la
ressemblance de M.Carteron avec Apollinaire
lorsque Picasso le dessine en académicien.