Le vertige dont il est question ici ne concerne pas la chute dans
l’espace. Il est la métaphore, évidente, saisissable et spectaculaire
d’un autre vertige, plus difficile à représenter, le vertige du Temps.
Le « crime parfait » d’Elster l’est au point de réaliser l’impossible :
réinventer un temps où les hommes, les femmes et San Fransisco
étaient autres que ce qu’ils sont aujourd’hui. Et sa perfection
s’accomplira comme toujours chez Hitchcock dans la gémellité.
Scottie intégrera la folie du temps que lui transfuse Elster à travers
Kim/Madeleine/Judy, mais là où le premier limite son fantasme à des
représentations médiocres : richesse, pouvoir, etc. l’honnête Scottie
transposera le vertige au sommet de l’utopie humaine : vaincre le Temps
là ou ses blessures sont le plus irréparables, faire revivre un amour mort.
Et toute la seconde partie du film, la traversée du Miroir, n’est que cela,
la tentative démente, maniaque, effrayante de nier le temps, de
recomposer au travers de signes dérisoires et nécessaires comme les
figures d’une liturgie, vêtements, maquillage, coiffure, la femme dont au
fond de lui il refuse d’accepter la perte.