3 Ce n'est pas seulement la lecture assidue de Jorge Semprun qui
m'a fait employer, depuis le début de ce texte, le tutoiement
romanesque. Plutôt l'envie instinctive d'établir une distance entre
celui qui, de septembre 1979 à janvier 1981, a pris ces photos au
Japon, et celui qui en février 1982 écrit à Paris. Ce n'est pas le même.
Pas pour des raisons platement biographiques: on change, on n'est
jamais le même, il faudrait se tutoyer toute sa vie. Mais je sais que,
si je retourne demain au Japon, j'y retrouverai l'autre, j'y serai l'autre.
Que la politesse japonaise me préserve au moins d'ennuyer le
lecteur (hypothétique, car je doute que quelqu'un ait jamais lu le
texte qui accompagne des photos) avec mes problèmes de
dédoublement. Ou bien il faudrait leur donner la forme fastueuse
et colorée des histoires de Doubles japonais, ces contes où le prince
se déguise en clochard aveugle, où l'homme se transforme en
cheval (I 'adaptation télévisée du Si Yeou Ki, avec la sublime
Natsume Masako), où le chat se change en femme. Celle-là,
c'est la Bake-neko, la sorcière-chatte, et vous n'y couperez pas.