"YORUBA !" criait à Sarita l’assistant de Mikhail Kalatozov, tout fier de
connaître le nom africain de ses ancêtres. L’immortel auteur de Quand
passent les Cigognes tournait à La Havane un film improbable nommé par
antiphrase Soy Cuba, et les brigades de prostituées des grands hôtels
avaient été réquisitionnées pour fournir aux scènes de débauche une
figuration compétente. Sergei Ouroussevski était le maitre du
plateau : lorsqu'il empoignait l’appareil35mm et fonçait à travers les
rideaux de bambou pour un de ses vertigineux mouvements tournants,
il faisait revivre devant nous la génération des Hommes à la Caméra,
celle de Mikhail Kaufman portant à bout de bras la Debrie et son trépied
au sommet d'une cheminée d'usine dans les films de Vertov...
Kalatozoy le regardait faire et disait « Karacho! » Les jeunes cinéastes
cubains passaient à tour de rôle pour contempler le maître au travail,
reluquer les belles métisses dénudées, et conclure que décidément
le cinéma c'était formidable. Sarita s'amusait beaucoup.