Ahn Seung-hi danse la danse des épées (Kal
tchun), la danse des éventails, la danse des
papillons, la danse gitane (pour nous la plus
exotique) et la danse de la Mou nyo, la sorcière,
l'entremetteuse des morts. (En 1933 encore, on
trouvait enregistré à Séoul le « syndicat des
personnes pieuses » — réunissant tous les sorciers
et sorcières conscients de leurs droits.)
Avec ses grelots, son couteau à large manche, ses
éventails, son chapeau à plumes, lente d'abord,
puis jetant tour à tour les grelots, le couteau, les
éventails, ses yeux pour finir... — la bouche étirée
comme celle des pilotes d'avions supersoniques,
par la vitesse figée, le passage du Mur de la Mort,
livrée à tous les coups, à toutes les insultes des
chers disparus, paroi déchirée par leurs ongles,
fenêtre brisée par leurs cris — Aigo ! Aigo ! le cri de
deuil et de souffrance — giflée à tour de rôle par
les reproches des morts et les remords des vivants
— Aigo, Aigo ! — tombant épuisée, la gorge brûlée
par l'oxygène des enfers, achetant le passage du
Styx avec l'argent qu'on lui jette, Aigo !
« Certaines d'entre elles sont assez jolies » écrit
Haguenauer « et il n'y a pas que les esprits qui
soient sensibles à Ieurs charmes ».