Le tchang-ko, le tambour en forme de sablier, fait danser
jusqu'aux tigres. Un jeune homme qui l'avait reçu en
héritage vit un tigre sortir de la forêt et gambader autour
de lui, faisant mille entretigres. (Le keum noir — hyen
keum — mélodieux crocodile à cordes dérivé du khîn
chinois, s'appelle en fait hyen hack keum, « keum des
grues noires ». Dès les premiers accords, son inventeur
fut entouré de grues noires, qui elles aussi se mirent à
danser. A croire que tous les instruments coréens doivent
ecevoir l'investiture de la Société des Animaux Capables
d'Ecouter la Musique).
Est-ce le tchang-ko, ou les Coréens sont-ils vraiment
infatigables ? A l'usine de Sonsan (comme dans toutes
les usines, nous nous en apercevrons plus tard), à peine la
pause sifflée, les ouvriers qui viennent de lutter pendant
quatre heures avec les épaves de locomotives japonaises
qu'ils remettent à neuf, habiles comme des faussaires, se
groupent en rondes et — Ongheya... Comme s'ils ne se
reposaient d'un effort que par un autre, comme s'ils avaient
quelque part un sablier, justement, qu'il suffit de retourner
pour que la fatigue accumulée et inerte redevienne énergie,
et dont le tchang-ko serait, plus que le stimulant, l'image.