Il convient d'être circonspect dans ces parages : avant même d'en être instruit, on peut deviner que l'eau du
lac de Samilpo « est meilleure que celle du Ciel », et que les fées viennent y puiser de préférence, au risque
d'être ravies par un hardi coupeur de bois.
(Ce coupeur de bois avait sauvé un daim poursuivi par un chasseur. Le daim, qui savait, lui révéla que trois
sœurs-fées venaient tous les jours remplir leurs cruches. Une première tentative échoua, et les fées
prudentes se contentèrent de puiser l'eau du lac en laissant filer un seau depuis le ciel. Sur quoi le coupeur
de bois — j'ai précisé qu'il était hardi — se cacha simplement dans le seau et, inventant du même coup
l'ascenseur et l'Ascension, débarqua aux cieux pour prendre femme.)
Ici, près de la mer, la terre s'effrange, se déchire, laisse voir au travers des haillons la véritable peau de la
planète, douce et finement granulée. Entre ces fausses îles striées, jointes par des isthmes de sable aussi
fragiles que le frôlement de deux dormeurs, dans cette douceur déserte, près de l'eau verte (où combien de
chats ont laissé tomber des pierres solubles ?), sur les rochers gris et plats, le silence monte comme une
buée — troublé seulement par les étranges contresignes des journalistes français, apportés par le vent, du groupe de
journalistes français qui m'accompagne : belote —à moi —je coupe... incantations d'une magie récalcitrante
mais, semble-t-il. efficace, puisque nul seau n'apparut pour les emporter au ciel.