Nous sommes partis le matin de bonne heure, en même temps que les bûcherons.. Un homme de
bois, violet et tout plat (comme dirait le P. du Halde) nous montrait le chemin. Etait-ce le dernier
avatar de T'yoen ha tai chang kun, le Grand Commandant sous le Ciel, chargé de la garde des
chemins ?
Dans la forêt nous attendaient des figures de dieux, contresignées par les visiteurs (écriture
coréenne, dont les graffiti deviennent des ornements !) et plus haut, les cascades sévères, aux joues
tatouées de poèmes — des caractères chinois dont chacun mesure quinze mètres — et qui font le
bruit d'un énorme animal en train de boire.
Kumgan-san, la Montagne de Diamants... Les tigres qui l'habitaient ont maintenant disparu. Les
derniers se déguisaient en femmes cueilleuses de patates, en filles porteuses de jarres. Tous ont été
détruits, jusqu'au grand-père, le Tigre Blanc.
Nous avons rencontré une jeune femme. Comme elle ne cueillait pas de patates, comme elle ne
portait pas de jarre, mais un bébé cyclope, ce n'était pas un tigre. Mais si l'on fait les comptes, il doit
rester dans la montagne un ours médecin, neuf dragons et cinquante-trois bouddhas d'or débarqués
d'un navire de pierre. Il y a aussi les Sinseuns, êtres immortels. Si bien qu'on ne sait jamais au juste
qui l'on croise.