MERVEILLES1 STACK005

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  • Catégorie : PHOTO
  • Séquence : Coréennes_Merveilles1
  • Card : MERVEILLES1 STACK005

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Texte :

Sur le marché coréen, dans sa librairie ouverte à presque tous les vents (en tout cas,
à ceux du nord-est et du sud-ouest, qui sont favorables), murée d'un côté par des
planches et des tôles ondulées couvertes de tableaux et de rouleaux à caractères,
entre les rayons où figurent à parts égales les magazines modernes et les anciennes
éditions brochées (les dos minces des cahiers rassemblés et ficelés comme des tiges
de fleurs, le papier, assez pauvre pourtant, qui avant les doigts est une caresse pour
l'œil — une caresse de pauvre), le libraire lit. Ce pays n'a pas fini de nous surprendre.
Zuber, miles gloriosus, remarquait déjà en 1866 l'abondance de livres dans les demeures
les plus misérables, et en tirait quelques réflexions amères, à une époque où l'analpha-
bétisme des jeunes soldats était en France la source de joyeuses plaisanteries. Mais à
chacun ses illettrés : la culture commençait, en Corée, à qui pouvait lire les caractères
chinois (l'alphabet coréen ayant d'ailleurs été inventé pour permettre aux gens de
prononcer correctement le chinois — et accessoirement leur propre langue, mais
cela, personne ne semblait y attacher grande importance). Avouons-le, les lettres
coréennes, bonshommes de Miro, flûtes de vertèbres et pommes d'api (la corée,
il est vrai, est une pomme à cidre du Calvados) souffrent de la comparaison avec
les somptueuses bactéries du graphisme chinois. Mais celles-ci sont déjà condamnées
dans leur propre patrie : notre monde est celui des couloirs, des passerelles, des
escalators — les mots, pour y circuler, doivent revêtir un habit fonctionnel et
interchangeable : un collant. Chamarrés, enchasublés, hérissés de fanions et
d'aigrettes comme les généraux de l'Opéra de Pékin, les caractères chinois
n'y passent plus.