Son nom est Douceur, son autre nom est Gravité.
Noms difficiles à reporter sur le visage occidental,
où l'effacement du sourire peut devenir (au mieux)
la tristesse, presque jamais cette seconde cIef, cette
face obscure de la douceur. Aussi difficile à décrire
que la retenue de ces filles, leur intégrité, leur
respect de soi, tout ce qui donne son intraduisible
fraîcheur à l'expression — si peu « partisane » quand
elle s'adresse à elles— Cho nyo tong mou :
camarade jeune fille...
Un soir, à l'entr'acte de l'Histoire de Sim Chon,
j'ai retrouvé Li Hai-sun devant la grille du théâtre.
Sim Chon venait d'être arrachée à son père, le
pauvre aveugle, pour être jetée en pâture aux
esprits de la mer. L'entr'acte éternisait cette
incertitude du destin, et Li Hai-sun bien entendu
sanglotait, son mouchoir pressé contre le visage.
J'osai lui dire que, pour nous aider à suivre une
action quelque peu discrépante, nos hôtes coréens
nous en avaient fait tenir le résumé et que tout,
semblait-il, s'arrangerait pour le mieux. Li Hai-sun,
qui avait vu la pièce deux cents fois, me regarda
avec méfiance : comment pouvais-je être si certain
de l'avenir ? Et, cessant de pleurer, elle se mit à
réfléchir sur la sécheresse de cœur des étrangers,
qui échangent leurs larmes contre des raisons.