Corée, Korai... Sur ma première image de Pyongyang, le même
retroussis des lèvres, le même sourire joueur et tranquille qu'un an
plus tôt je photographiais au Musée d'Athènes. Le langage a ses raisons.
Il y a différentes façons de voyager -la façon Barnabooth, la façon
Gengis Khan, la façon Plume- et par exemple : accepter en désordre
les rimes, les ondes, les chocs, tous les bumpers de la mémoire, ses
météores et ses dragues. Le hasard a des intuitions, qu'il ne faut pas
toujours prendre pour des coïncidences. Le pays où vous venez de
prendre pied vous délègue un visage de femme qui le résume déjà,
et le nomme. (Un grand navire dont la proue lentement se retourne
et vous dévisage, comme un cheval.) Et son nom est Douceur.
Entre l'orante de l'Acropole et cette dame rencontrée devant le
monument aux morts de la guerre, portant son bébé à la façon
coréenne, comme un parachute, rien de plus sans doute que ce
sourire d'Eve devant le premier hibou. (Ce sourire dont Malraux
écrit -mais il ne songe qu'à l'Art...- "chaque fois qu'il reparaît,
quelque chose de la Grèce est près d'éclore.") Mais que toute
l'Histoire, avec ses râpes et ses sueurs de sang, ne soit pas encore
venue à bout du sourire humain... A la réflexion, cette rencontre
méritait un câble. "DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL A PYONGYANG
STOP DOUCEUR DE VIVRE EXISTE ENCORE STOP PHOTO SUIT ."