COREENNES_KORTRIG STACK012

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  • Id : 804
  • Catégorie : PHOTO
  • Séquence : Coréennes_Kortrig
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Texte :

J'ai tenu à reproduire ce texte (à quelques ajustements de mise en page près) exactement tel qu'il avait été publié
en 1959. Près de quarante ans plus tard, il est légitime de se poser quelques questions à son sujet : est-ce qu'il se
rapporte à un monde irrémédiablement rejeté par l'histoire, au nom de la fameuse "crise des idéologies" ? Est-ce
que ces hommes et ces femmes que j'ai vu travailler durement, avec un courage que la propagande ne se privait
pas d'exploiter, mais qu'il serait très bête de réduire à son imagerie, ont vraiment travaillé pour rien ? La lecture
des journaux du printemps 1997 là-dessus est accablante "famine" "échec total" "corruption généralisée" . . . Pas
de raison d'ergoter : cette partie-là a été perdue, affreusement, et une fois de plus les Coréens ont illustré leur
propension grecque à l'ubris. Toujours l'excès. dans le sentiment, dans la guerre, dans l'histoire.

Ce petit livre, lui, avait eu un destin particulier. Rejeté des deux côtés, pas assez laudateur pour le Nord (et
d'abord, cette tache inexpiable : pas une fois le nom du grand leader n'était prononcé !), immédiatement assimilé
à de la propagande communiste par le Sud, qui m'avait fait l'honneur de l'exhiber dans une vitrine du musée de
la contre-révolution avec l'étiquette de "chien marxiste" -ce qui ne m'avait pas paru spécialement injurieux : je
vois bien Snoopy délaissant quelque temps Herman Hesse pour lire le Capital... On peut se flatter de ce genre
de symétrie, se comparer à Charlie Chaplin à la fin du Pèlerin lorsque, canardé par les deux camps, il marche, un
pied devant l'autre, sur la frontière, et se dire que lorsqu'on se fait flinguer des deux côtés on a quelque chance
d'être sur la bonne route. C'est une gloriole assez courte, qui permet de se mettre à bon compte au-dessus de la
mêlée. Notre fin de siècle exige autre chose. D'ailleurs, je ne me suis jamais soucié du "sens de l'histoire" qu'en
jouant délibérément sur le mot sens : il ne s'agissait pas d'une direction à suivre, d'un panneau indicateur planté
par des chefs infaillibles (là encore, cette ambiguïté du mot "dirigeant" !), mais de la signification possible de
cette histoire pleine de bruit et de fureur, racontée, etc. Si jamais j'ai eu une passion dans le champ politique,
c'est celle de comprendre. Comprendre comment font les gens pour vivre sur une planète pareille. Comment ils
cherchent, comment ils essaient, comment ils . trompent, comment ils surmontent, comment ils apprennent,
comment ils se perdent... Ce qui d'avance une mettait du côté de ceux qui cherchent et se trompent, opposé à
ceux qui ne cherchent rien, que conserver, se défendre, et nier tout le reste.