Le soir devient soir
Tu n’auras pas d’hôtes
Et alors viendra
la loutre vers toi
pour te faire peur
Mais ne prends pas peur
prends-la pour ta soeur
car la loutre sait
l’ordre des rivières
et le sang des gués
Te fera passer
sans que tu te noies
et te portera
jusqu’aux fraîches sources
pour te rafraîchir
des mains jusqu’aux coudes
des frissons de mort
Paraîtra encore
le loup devant toi
pour te faire peur
Mais ne prends pas peur
Prends-le pour ton frère
car le loup connaît
l’ordre des forêts
le sens des sentiers
Il te conduira
par la route plane
vers le paradis
(Chants du Mort)
Les admirables "chants du mort", recueillis par Constantin Brailoiu en Roumanie, dans la province
de Gorj, ont été publiés dans Mesures le 15 octobre 1939, traduits par Ilarie Voronca et J.Lassaigne.
On y retrouve le thème ancestral du chemin à parcourir, semé d’obstacles que des animaux alliés
vont aider l’âme à franchir.
Une guerre mondiale et quarante années plus tard, j’eus la surprise de voir ce passage apparaître
dans une boîte à lettres du Minitel, sous un pseudonyme assez neutre, sans commentaire ni
interrogation. Un message laissé sur la B.A.L. resta sans réponse. Je ne saurai jamais quel(le)
inconnu(e) -plutôt (e)- avait conservé ce texte, peut-être pour s’en souvenir un jour.