Presque tous les matins je venais passer un moment au petit musée Pirosmani à Tbilissi. J’y étais le plus souvent, seul. Peu de touristes en ce temps-là, et les habitants connaissaient déjà (ou pour certains ne connaîtraient jamais) ces salles silencieuses peuplées de bêtes attentives et d’humains distraits, tous cousins par le regard. Lorsque, aux années 90, la Géorgie a commencé de plonger à son tour dans le maelstrom de batailles et de meurtres qui saluait l’après-perestroika, je me suis demandé si le petit musée était encore ouvert, si les bêtes attentives et leurs humains avaient été laissés seuls sans qu’un seul visiteur vienne dire à l’ombre de Nico Piramanachvili que pour lui, les yeux d’une girafe bleue venaient du même "monde différent" que certains petit pan du mur jaune.