LE CORSAIRE fut une singularité dans la programmation de Jouvet à L’Athénée.
Marcel Achard était un très bon auteur de comédies, l'Athénée à cette époque
était pour nous le temple de Jouvet, et Jouvet était le grand-prêtre de
Giraudoux. Et voilà que débarquait, c'est le mot, une histoire de pirates avec
voyage dans le temps qui ne ressemblait à rien de ce qu'avaient fait ni ne feraient
jamais Achard, Jouvet et l'Athénée... Peut-être est-ce cette singularité qui nous
fascinait ? Et aussi le hasard : l'un de nous ayant réussi à se faire engager comme
figurant, ce coeur généreux joua sur l'invisibilité probable d'un petit lycéen dans
la grande nef du théâtre, et nous permit de nous présenter chacun à notre tour
sous son nom. Si bien que chaque soir c'était un jeune garçon différent qui
entrait en scène côté jardin en se frottant la tête (il était supposé s'être cogné à
la grand'vergue) au moment de la pendaison de Kid Jackson, et que
probablement Jouvet n'a jamais remarqué à quel point ce figurant endolori du
dernier acte changeait d'apparence.