« Si vous n'êtes pas très prudent, vous allez prendre votre père ou votre mère, ou votre soeur ou
votre frère, pour une vache, et alors — mangés. Rien de plus amer que de ne pas être capable de
faire la différence entre des gens et des vaches. Mais rien à faire. Un jour, un homme mange son
propre frère ! Après quelque temps, il s'aperçoit de ce qu'il a fait, mais il est trop tard. Et il n'y a
rien qui lui permette de s'en excuser... » Ceci est la traduction littérale d'un début de conte coréen.
Et si vous avez l'impression que ce ton écrit-parlé, perdu-trouvé, vous rappelle quelqu'un, c'est une
bonne impression.
Manger de la chair d'oiseau affaiblit la mémoire. Et sans mémoire, pas d'histoires à raconter, et
les histoires que l'on n'a pas racontées, se corrompent. Et les mots qu'on laisse dormir, rêvent
terriblement. Un homme avait enfermé toutes ses histoires dans un sac — elles se vengèrent en
devenant fruits empoisonnés, eau brûlante, fer rougi à blanc, noeud de serpents. Il fallut les tuer à
coups d'épée.
Lorsqu'un chat et un chien sont partis à la recherche d'une pierre précieuse, dérobée à leurs
maîtres par une méchante femme (et, je vous demande, à quoi mieux employer son temps
lorsqu'on est chat et chien ?), le chien aboie devant la maison de la femme, mais le chat ordonne
aux souris d'aller chercher la pierre (verte, la pierre) dans l'armoire, et les souris, prudentes,
obéissent ; le chien par ses questions stupides fait tomber la pierre que le chat tenait entre ses dents,
et la pierre tombe au fond de l'eau, mais lorsqu'un pêcheur trouve un poisson mort, le chat
raisonne : « ce poisson est mort d'avoir avalé la pierre » et ouvre le poisson — et le poisson, défunt,
livre la pierre. D'où vient que le chat, subtil, a le droit de demeurer à l'intérieur de la maison, et que
le chien, stupide, reste au-dehors.
"quelqu'un"... Vous pouvez
me dire pourquoi je n'ai pas
écrit simplement "Michaux" ?
note de 1997