Elle me disait "Bom dia" tous les matins en venant faire ma chambre, et c'était ma principale conversation de la journée, si j'omets celle que j'avais le soir avec le gekko familier, curieux de musique classique (il n'avait pas dû en entendre beaucoup dans sa vie de gekko à Bissau), qui écoutait le quatuor de Ravel ou les lieder de Schubert par Fischer-Dieskau, collé à la verticale sur le mur, les yeux fermés, pendant que je lui racontais ce que c'était Ravel, ce que c'était Schubert, dans ce pays lointain où il faisait froid. Ma jolie saluante du matin et le lézard mélomane étaient devenus les deux pôles indispensables de ma vie africaine. Jusqu'au jour où, peu après le bom dia rituel, elle m'appela sur la terrasse et me montra d'un air triomphant, sûre de m'avoir rendu un grand service, le cadavre du gekko.