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Texte :

Osaka, six heures du matin. Autour d'un vaste bâtiment lépreux
commence le marché du travail à la journée pour les eta -une catégorie
de Japonais dont le nom ne doit pas être prononcé. En Inde ils seraient
une sous-caste, dans ce pays démocratique on a trouvé plus simple de
décider qu'ils n'existaient pas. Ils se louent au premier offrant, les tarifs sont
criés à la volée comme les cours de la bourse, ou affichés sur les
camionnettes qui les emmènent. Comme il faut quand même parfois les
désigner, on utilise le terme de burakumin, gens des villages. Il y a
comme cela un grand nombre de mots interdits, et les distributeurs de
Pierrot le Fou ont eu du mal à en traduire le titre : "fou" est tenu
pour discriminatoire. C'est ainsi qu'au nom du respect des minorités,
on les efface. En 1981, quand j'ai pris ces photos, certains dormaient à
même le sol, d'autres vivaient sur les trottoirs. Quinze ans plus tard, c'est
au centre des villes qu'on commence de voir ce spectacle.