DEPAYS6 STACK002

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  • Id : 1115
  • Catégorie : PHOTO
  • Séquence : Depays6
  • Card : DEPAYS6 STACK002

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Texte :

Comme tu crains toujours d'avoir l'air d'en raconter plus que tu
n'en sais, tu t'abstiendras de vaticiner sur le hyoshi (cette "intégration
des cadences" -Kenji Tokitsu). Mais ce que ta tête n'est pas sûre de
savoir énoncer, ta peau l'a ressenti plus d'une fois. Quand on parle
d'harmonie à propos du Japon, tout le monde pense au fameux
consensus social, la droite se pâme, la gauche se convulse. Toi tu
penses à autre chose, à ce réseau vaporeux de rites, de signes, de
cultes auxquels chacun affecte de ne pas croire, ou si peu, mais
qui vient si souvent démentir l'arrogance du pragmatisme et de
l'efficacité, si gracieusement meubler le vide qui demeure entre
l'entreprise humaine et le grand gouffre de la nature. Comme s'il
y avait toujours, à l'horizon de tout événement, de toute action, ne
disons pas un au-delà, ce serait trop métaphysique, plutôt un entre-
deux, qui ne doit pas être loin du je-ne-sais-quoi de Jankélévitch.
Comme si, I'hymne à la machine bien clamé, les verrous sociaux
bien vissés (et Dieu sait s'ils le sont), il restait encore une place à
remplir, une plus-value de l'esprit. Alors cet entre-deux, cet entre-
chat-et-loup, cet innommé réparti entre les huit cent huit dieux qui
ont la garde du troupeau des rêves, on ne sait pas trop quoi en faire,
on ne sait pas bien comment s'adresser à lui, mais du moins on peut
être poli. D'où la politesse à l'égard des ancêtres, d'où la politesse
envers les bêtes (ces innombrables fêtes de réconciliation avec les
oiseaux, quand les danseuses de l'Awa Odori dans Koenji les appellent
poliment par leur nom - avec les poissons, quand les hommes de
Morosaki au sud de Nagoya les prient de se laisser poliment pêcher),
d'où, au cœur de cette société aussi impitoyable qu'une autre, un
respect d'autrui qui coexiste paisiblement avec la course de rats.