DEPAYS4 stack004

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  • Id : 1092
  • Catégorie : PHOTO
  • Séquence : Depays4
  • Card : DEPAYS4 stack004

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Texte :

2 Celle-là, tu l'as nommée la Derelitta. Contrairement à une
légende tenace, les trains de Tokyo ne sont pas toujours bondés,
on n'a pas toujours besoin des pousseurs en gants blancs qu'aucun
film ne nous épargne. On peut passer des journées entières à
naviguer de train en métro, de souterrain en aérien, sans être
beaucoup plus bousculé qu'à Paris ou à New York (et plus
courtoisement en tout cas, même si on ne se fait pas de cadeau
pour ce qui est d'occuper les places assises), avec de grands
passages à vide qui permettent de choisir stratégiquement son
angle ou son vis-à-vis. Commence alors la chasse aux dormeurs.
Ils te fascinent. Tu prends le train pour les voir, tu oublies tes
rendez-vous, tu ignores les correspondances pour rester quelques
minutes de plus devant le court-métrage absolu, le gros plan idéal
d'un visage de dormeur ou de dormeuse. Leur sommeil libère une
gamme d'expressions que la tenue sociale et le souci de l'apparence
refrènent à l'état de veille, et tu peux lire sur ces visages endormis
toute leur histoire, sourire et crispation, dodelinement et extase.
Combien de scénarios as-tu inventé ainsi - cette femme par
exemple, entre Kobé et Osaka, dont pendant une heure tu as
suivi toutes les saisons, les sautes rapides et confuses comme le
balaiement d'un tableau d'aéroport où chaque nom de ville se
brouille dans l'autre. Pendant une heure tu as guetté ses
métamorphoses avec (presque) autant d'attention exigeante que
la montée du plaisir sur un visage aimé. Ne cherchez pas, elle n'est
pas entre ces pages. Il existe une centaine de photos d'elle, mais
les publier, c'était la trahir.

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