Une histoire de noir et de blanc. Noire, la terreuse pentes du mont Fuji où en octobre 1984
Akira Kurosawa achevait de tourner RAN. Blanche, la neige au sommet de la montagne
qui de jour en jour, en étendant sa corolle, annonçait l’approche de l’hiver -et la fin du tournage
si elle atteignait son aire. Sensei, le Maître, a lutté pied à pied contre cette horloge naturelle,
cette métaphore météorologique du destin. Et bien entendu il a gagné. En dépit des jours de
brouillard, les utilisant parfois pour inventer de nouvelles images, il a fini son film avant la
première neige. Ce qui n’a rien d’étonnant de la part de quelqu’un qui dessine d’avance tous
les plans, fussent-ils extérieurs, et qui regarde d’un oeil courroucé le nuage dans le ciel qui
ne correspond pas à son dessin jusqu’à ce qu’il disparaisse.
En juin dans les champs torrides de Kyushu, et pendant cet octobre-là sur le Fujiyama, j’ai
observé, photographié et filmé le travail de Kurosawa. En voici quelques traces.