Obsession de la soif au camp du macheteros en Oriente. Quand pendant une semaine,
par 40 degrés, on n’a pas connu une seule fois le goût de l’eau fraiche, la mémoire se
met à délirer doucement. Visions des énormes frigos de la coopérative de Z, bourrés
de bouteilles d’eau, de boîtes de Coca (horreur), avec la conviction calme qu’on est en
train de disjoncter pour de bon : de telles choses ne peuvent pas exister, c’est ma tête
malade qui les invente … Très curieux. Quand el Negro Manuel a découvert une jatte
d’un liquide moins tiède que d’habitude, tout le monde se précipite et crie au miracle.
Dommage qu’on les oublie si vite (oubli de la sensation, pas de l’événement qu’on peut
toujours raconter -la preuve- tandis que la sensation, elle, s’est perdue à jamais) ces
moments où on a pesé, l’espace d’une seconde, le vrai poids des choses de la vie.